Vendredi 31 mai 2019 - Kyoto
Une fois de plus, nous nous réveillâmes sans le concours de nos GSM. Après un petit déjeuner avec vue sur le lac et une visite à la plate-forme d’observation sur le toit, nous prîmes la navette de l'hôtel pour la gare d’Ōtsu d’où le train nous emmena pour Tokyo Station.
Clara, notre guide nous y retrouverait pour un tour insolite de la ville.
Nous fîmes rapidement connaissance et elle nous fit monter dans un autobus afin de visiter le temple de Sanjusangendo. Ce temple aux mille statues de Bouddha fût construit pour exercer les soldats à tirer à l’arc. Sa longueur de soixante mètres est aujourd’hui encore la distance de référence au Japon pour cette discipline. Un des exercices consistait à tirer le maximum de flèches dans la cible en 24 heures.
Le record fût de 9 flèches par minute, soit au total 13.000 flèches dont 8.000 attinrent la cible.
Chacune des statues semble identique aux autres, mais de légères variations les différencient, en fonction des artisans qui les ont exécutées.
Clara a quitté la France après ses études et a épousé un moine boudhiste Zen qu’elle assiste dans l’entretien de son sanctuaire. Ils ont eu une petite fille qui partage leur vie de sérénité, d’ascèse et de communion avec la nature. Le seul entretien du jardin du sanctuaire prend deux à quatre heures et il doit être fait chaque fois qu’une feuille est tombée ou qu’une mauvaise herbe a levé. Tous doit être ratissé dès qu’on a marché dans les cailloux pour écarter un objet indésiré.
Nous allâmes ensuite au pavillion d’argent de Ginkakuji qui fût notre première expérience de jardin sec. Comme son nom ne l’indique pas, un jardin sec n’est pas purement mineral. L’eau courante y est seulement remplacée par des petits cailloux qui représentent les flots. Le moindre enlèvement d’une feuille tombée ou un petit orage forcé à tout remettre en ordre avec un râteau: « Ne faites pas le ménage pour que cela soit propre, mais pour nettoyer votre cœur. »
Les moines sont des gens patients nous dit Clara. Ils se lèvent vers trois heures du matin et passent leur temps entre la lecture des sutras reprenant les enseignements du Bouddha, la méditation, l’entretien du sanctuaire, l’accueil des visiteurs, la tenue de cérémonies funéraires et de commémoration. Ils se couchent vers minuit.
Nous montâmes sur la colline d’où nous pûmes admirer l’ensemble du site niché dans la verdure. Ils vivent de peu et leurs revenus proviennent des dons des fidèles.
L’étape suivante fût Kawa-Jinja et Kamomioya. C’est ici que les femmes viennent demander d'être débarrassées de leur acné ou de leur cellulite. Nous y vîmes 5 jeunes femmes en Kimono, probablement venues dans ce but.
Deux fillettes également en tenue traditionnelle étaient accompagnées de leur sœur et de leur mère pour y faire leurs dévotions.
D’autres viennent pour connaître leur avenir; ils achètent des oracles écrits à l’encre sympathique et vont les humecter dans l’eau du ruisseau sacré pour faire apparaître le présage.
Nous nous restaurâmes de nouilles de sarrasin accompagnées de mini sardines, de canard et de tempuras, et nous rendîmes ensuite au marché couvert de Usagiyama où les clientes faisaient leurs courses alimentaires quotidiennes.
Daito-kuji qui ne compte pas moins de 21 temples et sanctuaires fut notre étape suivante. Nous fûmes impressionnés par cette succession de lieux de culte. Zhuo-in avec ses rivières sèches de cailloux parfaitement ratissés nous ravirent particulièrement.
Lorsque nous demandâmes à Clara si elle comptait éduquer sa fille dans deux langues, elle nous dit qu’elle pensait l’envoyer à l’école japonaise tout en lui parlant en français. Elle nous rappela un extrait du prophète de Khalil Gibran: nous sommes l’arc et eux la flèche. L’archer nous tient et nous donne l’impulsion mais lorsque la flèche quitte l’arc, elle lui échappe.
Après avoir pu admirer une poignée des plus beaux temples et de leurs jardins dans une ville qui en compte près de mille trois cents nous fîmes nos adieux à Clara qui s’en fut rejoindre son temple et sa famille. Elle nous raconta avant de nous quitter, l’histoire d’un vieux maître zen à qui l’élève demandait comment atteindre la sagesse. Il lui répondit: «Tu as fini de manger? Vas laver ton bol. »
Clara nous rappela cet extrait du prophète de Khalil Gibran:
Et une femme qui portait un enfant dans les bras dit,
Parlez-nous des Enfants.
Et il dit : Vos enfants ne sont pas vos enfants.
Ils sont les fils et les filles de l'appel de la Vie à elle-même,
Ils viennent à travers vous mais non de vous.
Et bien qu'ils soient avec vous, ils ne vous appartiennent pas.
Vous pouvez leur donner votre amour mais non point vos pensées,
Car ils ont leurs propres pensées.
Vous pouvez accueillir leurs corps mais pas leurs âmes,
Car leurs âmes habitent la maison de demain, que vous ne pouvez visiter,
pas même dans vos rêves.
Vous pouvez vous efforcer d'être comme eux,
mais ne tentez pas de les faire comme vous.
Car la vie ne va pas en arrière, ni ne s'attarde avec hier.
Vous êtes les arcs par qui vos enfants, comme des flèches vivantes, sont projetés.
L'Archer voit le but sur le chemin de l'infini, et Il vous tend de Sa puissance
pour que Ses flèches puissent voler vite et loin.
Que votre tension par la main de l'Archer soit pour la joie;
Car de même qu'Il aime la flèche qui vole, Il aime l'arc qui est stable.
Et une femme qui portait un enfant dans les bras dit,
Parlez-nous des Enfants.
Et il dit : Vos enfants ne sont pas vos enfants.
Ils sont les fils et les filles de l'appel de la Vie à elle-même,
Ils viennent à travers vous mais non de vous.
Et bien qu'ils soient avec vous, ils ne vous appartiennent pas.
Vous pouvez leur donner votre amour mais non point vos pensées,
Car ils ont leurs propres pensées.
Vous pouvez accueillir leurs corps mais pas leurs âmes,
Car leurs âmes habitent la maison de demain, que vous ne pouvez visiter,
pas même dans vos rêves.
Vous pouvez vous efforcer d'être comme eux,
mais ne tentez pas de les faire comme vous.
Car la vie ne va pas en arrière, ni ne s'attarde avec hier.
Vous êtes les arcs par qui vos enfants, comme des flèches vivantes, sont projetés.
L'Archer voit le but sur le chemin de l'infini, et Il vous tend de Sa puissance
pour que Ses flèches puissent voler vite et loin.
Que votre tension par la main de l'Archer soit pour la joie;
Car de même qu'Il aime la flèche qui vole, Il aime l'arc qui est stable.