La première étape du périple polaro-arctique des gnous passa par le trivial port Batave ou nos machines durent être chargées sur le ferry à destination de l'Islande. Le périple de Bruxelles vers les Pays-Bas fût unsipide. Il fallût braver les bouchons d'autoroutes, chaussés de pneus mixtes. Nos montures se faufilaient difficilement entre les véhicules fumants et pétaradants. Papa Gnou intima à McGnou l'ordre de prendre la lanterne rouge. Finougnou avait en effet troqué son beau casque orange contre un couvre chef blanc à visière noire que la vue basse de PapaGnou ne parvenait à identifier dans son tout petit rétroviseur. On moins on verra la queue de colonne, faute de voir son ventre ajouta le chef sentencieusement. Finougnou, déjà las du commentaire du patron sur la chromatique de son chapeau prétendit que le blanc se voyait mieux, que sa visière n'était pas noire et que McGnou devait à tout prix éteindre ses grands phares et arrêter de l'éblouir. Les gnous, habitués à la rengaine, observaient goguenardement les arguments des protagonistes avec un sourire en coin. McGnou allait devoir la jouer fine pour se faire voir sans éblouir et compenser les écarts de vitesse inévitables en queue de peloton. Il prit le parti de se tenir derrière un autre véhicule pour ne pas déranger la vue baissante de son pénultième congénère qui ne prétendait pas souffrir la vue d'un éclairage aussi lumineux. Arrivés au port, il fallut patienter, retrouver les références et documents probants, appeler l'un ou l'autre planton dans la langue de Vondel et patienter à nouveau. On nous indiqua enfin la direction très générale d'un putatif parking P6 ou garer nos motos. Après moult recherches et inquisitions auprès de rares humains déambulant dans le port, on nous indiqua que nous y étions avec une condescendance de mauvais aloi qui à Paris aurait à peu près signifié "C'est en-dessous de tes sabots, mon couillon". Un nombre impressionnant de véhicules équipés de 2 à 16 roues semblaient abandonnés au gré de la circonspection de leurs chauffeurs partis chercher leur bonheur ailleurs dans l'attente d'un départ prochain de leur engin. Fallait-il se ranger entre deux remorques britanniques, ou plutôt à coté d'un transporteur de voiture? Nul n'en avait la moindre idée. Cela ne semblait inquiéter personne. On demanda si les papiers devaient rester sur le véhicule ou s'il valait mieux abandonner des copies. Mieux vaut des copies nous dit-on. Avez-vous une photocopieuse? Evidemment non. Pourquoi vous recommanderait-on une solution plausible? Pour éviter de vous frustrer? Que faut-il faire avec les clés? Nous ne pûmes qu'inspecter les autres engins avoisinants et constater que les commodos étaient bien garnis de leurs passes respectifs. On abandonna ainsi les véhicules et retourna au bureau pour commander un taxi. Celui-ci arriva avec un train de sénateur et nous nous faisions peu à peu à l'idée que notre arrivée à Rotterdam Centraal serait postérieure au départ du train. Afin de motiver le machiniste, on mit Charmingnou au poste de convoyeur oú il pût promettre force pourboire si nous arrivions à temps. Le départ était prévu à 14.58 h et le GPS semblait égrener les minutes comme une vieille femme son chapelet, attendant son tour devant le confessionnal. La destination devrait être atteinte vers 14.52 h, mais le trafic ajoutait minute après minute jusqu'à atteindre 14.58 ce qui rendait notre départ hautement improbable. Dans un sursaut d'enthousiasme, le chauffeur nous annonça qu'il nous déposerait à l'arrière de la gare, ce qui nous ferait gagner de précieuses secondes. Nous parvînmes ainsi au quai avant même que l'arrivée du cheval de fer ne soit annoncée. A peine 90 minutes et quelques sandwichs plus tard nous descendîmes à Bruxelles-Midi et nous séparâmes dans l'attente du jour J, le 19 juin à 14.00 heures pour le vol FI555 au départ de Zaventem.