Samedi 8 avril Barreal - Santiago
Nos contacts de la veille nous avaient soit mis en garde, soit rassurés sur l’itinéraire de la journée. La route 149 faisait environ 120 km entre Barreal et Uspallata, mais longueur de la partie non revêtue nous était encore inconnue: on parlait de 30, 40 ou 50 km.
L’un tel le bon samaritain raconta avoir recueilli un motard isole qui avait chu et gisait sur la piste, tant elle était mauvaise et parsemée de bacs à sable appelés ici guadales remplis de fesh-fesh. Ce sable est si fin que l’on y pénètre comme dans l’eau.
Un autre nous dit qu’un ami l’avait récemment empruntée et qu’elle était excellente.
Le poignet gauche tuméfié de Charmingnou le faisait encore souffrir, mais pas plus que la veille. Ses douleurs de dos s’étaient estompées. On posa de la glace sur le membre meurtri et on chargea les sacs dans la camionnette.
Nous déjeunâmes à 7.30 h pour être partis à 8.00 ce qui fût à nouveau un vœu pieux. Avec 20 minutes de retard, nous quittâmes le joli cadre latino-teuton de El Aleman pour nous élancer sur notre dernier parcours de ce périple. D’emblée, la route était revêtue d’une excellente asphalte qui nous étonna. Y avait-il erreur?
Nous parcourûmes une cinquantaine de kilomètres et en arrivant à la frontière de la province de San Juan nous constatâmes que l’asphalte disparaissait sous la terre et le caillou. Voilà la piste. Il nous restait 60 km pour Uspallata.
Au début, l’itinéraire était impeccable. Nous pensâmes que le pire restait à venir. Tonygnou et Charmingnou ouvrirent la marche, suivis de Milougnou, Bernagnou et McGnou. Nous nous espaçâmes pour ne pas déguster la poussière levée par les véhicule qui nous précèdaient.
La piste restant excellente, nous prîmes de l’assurance et le rythme s’accéléra.
Bernagnou pris soudainement le mors au dent et ouvrit à fond: à près de 100, il dépassa Milougnou puis Tonygnou médusés dans un nuage de poussière. La qualité du chemin ayant eu raison de sa retenue il s’enivrait avec célérité et maestria. Hormis les nombreuses motos venant en sens inverse, nul ne lui enverrait plus de poussière dans les narines. Tous étaient hilares dans les casques et dans la cabine: la lanterne rouge avait viré aux trois feux blancs.
Nul besoin de piloter debout mais l’un ou l’autre prit plaisir à rester en suspension, au cas où une difficulté apparaîtrait au dernier moment. Les bacs à sable et les grenailles errantes tardaient à venir: aurions-nous été abusés? La piste restait aisément praticable.
Nous vîmes à l’horizon un attroupement de voitures et de motos. Nous craignîmes qu’un accident ne se soit produit et espérâmes que c’était sans gravité.
Le dieu des motards étaient avec eux: point d’incident, mais le retour de l’asphalte. Les motos en grand nombre faisaient une pause avant d’affronter les hypothétiques grenailles et sables mouvants.
Nous poussâmes un cri de joie! La dernière piste avait été vaincue sans autre chute et nous avions toute raison d’espérer rentrer indemnes à Santiago.
A la station-service d’Uspallata, nous fîmes les pleins et prîmes un vrai café. Nous n’en avions,plus dégusté depuis la Posada Salentein.
Nous échangeâmes avec des congénères brésiliens et suisses qui parcouraient cet univers magique et enchanteur.
Il nous fallut ensuite prendre la route de la frontière. Les lumières matinales et les éclairages de la chaîne des Andes étaient totalement différents de ceux dont nous nous étions régalés dans l’autre sens. La vue sur la vallée avait été splendide; la découverte de la perspective s’ouvrant sur la montagne fût sublime.
Le tunnel fut franchi sans souci et nous parvînmes à la douane chilienne. Leur efficacité le disputait à celle de leurs collègues orientaux. Au moins ne nous fit-on remplir aucun document pour le jeter aussitôt aux ordures!
Les motos passèrent rapidement mais la camionnette fit l’objet d’un zèle particulier: il fallut sortir tous les bagages pour les passer au rayons X.
On fouilla tel sac qui contenait des médicaments et tel autre qui contenait de l’huile. Les fonctionnaires ne trouvèrent ni produits frais ni substances prohibées; nous étions libres d’entrer au Chili.
Nous repassâmes devant El Portillo sans y faire halte car nous étions inquiets d’arriver en retard chez notre loueur.
A hauteur des “caracoles” nous décidâmes de prendre quelques photos vers le bas; les lacets s’enchaînaient et ressemblaient à un gigantesque spaghetti qui serait tombé du ciel.
Les casques oranges se voyaient de loin et nous pûmes tirer des clichés historiques dont Tonygnou etait l’auteur.
Les motos perdirent alors la camionnette de vue et la panique s’empara des gnous; en outre, les horloges des téléphones et des motos ne concordaient plus. Était-il 15 h ou 16 h? Il nous restait plus d’une heure de route et le loueur fermait ses portes à 18.00 h. La question n’était donc ni rhétorique ni philosophique.
Lors du passage en gare de péage, McGnou posa la question à la préposée qui répondit qu’il était 15.00 h. Se trompait-elle? Nous ne le saurions qu’à l’arrivée.
Nous devions rapporter nos motos chez ride-chile.com et non chez Motoaventura où nous en avions pris livraison. L’adresse n’étant pas connue de Tonygnou et de Charmingnou, il fallut la leur transmettre. Les données ne passaient que de manière intermittente et ce ne fût donc pas simple. Lorsque nous arrivâmes à destination, la camionnette venait d’arriver. Le préposé ne tarda pas à montrer son nez et apporta une rampe de déchargement. Milougnou posa sa vieille veste sur la ridelle pour éviter de l’endommager en y appuyant la rampe et on redressa la moto sur le pick-up après avoir rendu à chacun sa précieuse ceinture!
Lorsque la GS fût au sol, on félicita le voltigeur qui nous répondit modestement qu’il faisait cela tous les jours.
Après avoir remis tout les bagages dans la benne, nous rejoignîmes l’hôtel UGO ou la gnoussette de McGnou nous attendait. Après un apéritif au bar, nous retournâmes à la Cabrera ou nous dégustâmes à nouveau des exceptionnels “Ojos de bife”
Après un dernier whisky au bord de la piscine, nous nous séparâmes avec une larme à l’oeil: Milougnou et Charmingnou devait se rendre à l’aéroport de grand matin.
Nous étions heureux d’avoir réalisé ce voyage extrême - au moins pour notre âge - et de rentrer tous en presque bon état. Nous avions à déplorer l’incident de Charmingnou mais nous étions rassurés que ce n’ait pas été plus grave. Si ce n’était pas notre baptême de piste, c’était la première fois que nous étions confrontés au fesh-fesh tant redouté des concurrents du Dakar.
Nous vîmes des paysages incomparables, rencontrâmes des gens adorables et fîmes des découvertes exceptionnelles.
Les animaux sauvages peuplaient notre itinéraire mais les animaux domestiques n’étaient pas en reste: nous avons partagé notre itinéraire avec renards, lamas, putois, chevaux, moutons, vaches, chèvres, chiens et ânes qui vaquaient à leur quête de nourriture de part et d’autre de notre route.
Ce fût notre première expérience de véhicule d’assistance qui nous apporta confort et sécurité sur ce parcours plus technique que d’habitude. Nous avons aussi pu compter sur la solidarité des motards et des automobilistes qui s’inquiétaient de nous voir en difficulté ou simplement arrêtés.
Le groupe resta surtout soudé dans la béate admiration comme dans l’adversité.
L’esprit gnou transforme un beau voyage en expérience superlative grâce à l’engagement, au courage et au respect mutuel.