Lundi 3 avril 2023 Caraguay - Andalgala
Les gnous se sont levés à la même heure que les occupants de l’estancia pour prendre avec eux le petit-déjeuner et partir de bonne heure. Nous fîmes nos adieux à tous ainsi qu’à Ariel et Rosalia qui avaient si bien pris soin de nous durant notre séjour.
Une pluie fine tombait lorsque nous mîmes nos moteurs en marche; le programme était léger mais technique. Nous avions une étape de 185 km dont une partie non-revêtue, mais nous ignorions quelle portion du trajet était composée de gravillons ou d’autres surfaces plus ou moins meubles.
La route vers le nord était d’un intérêt limité: le crachin et le brouillard privaient l’itinéraire d’une partie de son intérêt. Après une trentaine de kilomètres, les choses se corsèrent: les portions de terre battue devenaient plus fréquentes et plus longues.
Nous étions sur la route 9. Nous rejoignîmes la route 1 et une fois traversé le pont sur le Rio Singuil, nous attaquâmes une portion non revêtue et en travaux. Il fallait démontrer une virtuosité du guidon car la terre n’était plus battue. C’est donc debout que nous franchîmes ces obstacles: nous serrions les fesses. Le meilleur était cependant pour la fin car la Cuesta la Chilca offrait une descente mémorable vers la vallée: un enchaînement interminable de lacets sur terre plus ou moins battue dans un paysage de rêve.
Chacun roulait à son rythme et Tonygnou fermait la marche avec les bagages. En vieux routard du Dakar, Milougnou dispensait ses conseils techniques avisés.
Chaque lacet était un challenge, négocié avec courage, attention et autant d’enthousiasme que possible.
A la fin ce cette portion nous attendait une vingtaine de mètres de sable fin et profond ce qui donna un pic d’adrénaline à chaque motard.
Nous allâmes jusqu’au Plaza hôtel d’Andalgala où nous nous empressâmes de garer nos motos, prendre les clés de nos chambres et décharger la camionnette qui nous conduirait au sommet ou se trouvait le Refugio del minero et la mine de capillitas. David et Carla nous attendaient avec une Honda 250 enduro. Ils allaient nous guider durant toute l’après-midi.
Nous étions admiratifs de tant d’engagement car nous avions choisi de faire ce trajet très technique et fatiguant sur 4 roues.
Les lacets s’enchaînaient dans une végétation luxuriante et nous évoluions très lentement sur cette nouvelle portion de route non chaussée. Tonygnou maniait le volant avec dextérité, évitant les trous et les bosses qui malmenaient notre engin et mettaient à mal notre confort. Nous fîmes une halte à un oratoire dédié à la Virgen del Valle qui est vénérée le long de toutes les routes du pays.
Lorsque le brouillard se fit dense, notre attention se relâcha et nous nous endormîmes tout à tour sous l’œil amusé de notre chauffeur. David et Carla prenaient plaisir à évoluer sur leur petite moto dans le crachin.
Les lacets s’enchaînaient et nous ne pouvions qu’imaginer la splendeur de ce qui nous entourait; la plaine se déroulait à perte de vue, au propre et au figuré. Le parcours de la Chilca nous avait heureusement donné une idée de ce que nous traversions.
Nous arrivâmes à une ferme d’altitude située à un col de 3.000 mètres et un coin de montagne se dévoila entre les nuages. Nous pûmes ainsi mieux imaginer le splendide relief qui nous entourait.
Notre ascension était quasi terminée et nous nous déplacions à présent à la crête de la montagne.
Quelques kilomètres plus loin, nous garâmes notre camionnette pour voir la digue de cuivre. Les eaux de la mine, chargées de sulfate de cuivre, donnaient à la roche une teinte turquoise étonnante.
Nous remontâmes en voiture et entamâmes les derniers décamètres qui nous séparaient du Refugio del Minero, but de notre excursion. A cinquante mètres de l’arrivée, la piste se fit si raide que la Peugeot refusa l’obstacle. Tonygnou s’y reprit sans succès. Milougnou lui donnait force indications qui ne portèrent aucun fruit. Pressé de prendre le volant, il se résolut à mettre ses conseils en pratique, sans plus de succès. Le véhicule calait systématiquement, à cause de l’ESP qui freinait la roue qui patinait.
On décida de ne pas insister et de risquer de détruire l’engin qui semblait plus à son aise dans les rues de Santiago que sur ce chemin de l’extrême.
D’un train de sénateur, nous couvrîmes les derniers mètres à pied, ménageant cœurs et poumons que la rareté de l’air mettait à mal. Nous croisâmes en chemin un ruisseau dont les eaux turquoises semblaient polluées par un industriel délinquant environnemental. Le cuivre était seul responsable de ce phénomène étonnant.
Le Refugio del Minero ressemblait à un hôtel des années 1970, construit d’un seul tenant à flanc de colline. Nous entrâmes dans un vestibule très sombre ou David s’en fût nous trouver une guide pour visiter la mine désaffectée. Il en vint une quelques minutes plus tard et nous pûmes coiffer nos chefs de casques jaunes du plus bel effet.
On nous montra un ancien générateur ainsi qu’un compresseur qui servait à rendre l’air de la mine respirable. Ces engins, montés sur remorques semblaient être arrivés par hélicoptère, tant l’accès était escarpé et étroit.
Devant la porte de la mine se trouvaient deux wagonnets qui avaient servi à évacuer les déblais du creusement.
Nous entrâmes dans le boyau qui avait vu de nombreux artificiers et manœuvres ouvrir la roche avec opiniâtreté.
La mine portait le nom de musée et, pour autant que nous ayions une lampe, nous permit de découvrir de nombreux échantillons de roches et pierres semi-précieuses.
Arrivés au fond du tunnel, nous vîmes qu’il y coulait beaucoup d’eau qui fût la cause de l’arrêt du creusement: le passage recherché vers le gisement de rhodochrosite ne pouvait être ouvert par ce côté.
Nous rebroussâmes chemin et retournâmes au Refugio dont l’obscurité était encore plus profonde avec la tombée du jour. Les batteries sont plates, nous dit-on, et l’éolienne est en panne. Nous eûmes pitié des deux couples qui avaient choisi pour villégiature, ce lieu plongé le jour dans le brouillard et la nuit dans le pénombre vacillante des chandelles. Il était tout au plus possible de cuisiner des ingrédients plus ou moins frais avec les moyens du bord. Nous commandâmes des cafés, de l’eau et un en-cas de pain rassis, de beurre et de confiture de pêche.
Il faisait nuit lorsque nous retournâmes à notre pick-up qui attendait sagement, heureux que nous n’ayons pas tenté de le pousser dans les extrémités de la cinétique, de l’équilibre et de l’adhérence.
La descente derrière David et Carla se fit dans le même crachin que la montée, avec la visibilité en moins. Inutile de dire que le charme et le romantisme avaient également quitté la vallée pour s’aller coucher.
Les rochers décrochés de la montagne qui jonchaient la piste et les trous qui avaient malmené notre confort semblaient avoir encore grandi pendant le visite de la mine. Les gnous poussèrent quelques grognements lorsque la suspension des du véhicule heurtaient les silent-blocks, tandis que des éléments métalliques indéterminés gémissaient à fendre l’âme.
David et Carla avaient préparé pour nous un dîner sur l’herbe, mais la météo défavorable leur avait commandé de reconsidérer la chose. Nous prîmes une douche à l’hôtel Plaza et nous rendîmes ensuite à l’endroit choisi pour la cène au jardins des oliviers du père. Aussi biblique que fût cette proposition durant la semaine sainte, elle était également fort attrayante. La maison de son père était entourée d’oliviers et David y avait disposé, cuisine, table et chaises ainsi que des guirlandes lumineuses et un haut-parleur qui diffusait une agréable musique de fond.
Le chef local, accompagné de son épouse et de deux serveuses nous avaient mis aux petits oignons avec des mets régionaux délicieux:
Entradas:
- Tamales en chala de choclo.
- Humitas en chala de choclo.
Plato Principal
- Tallarines de algarroba con cremoso de nuez y pesto ( plato de autor ganador del concurso gastronómico " sabores de mí tierra" )
- Estofado de cabrito al disco con vegetales.
Postres
- Queso de cabra con dulces regionales de la tradicional fábrica de dulces" CHAQUIAGO"
- Budín del cielo ( receta familiar)
Ce galimatias gastrosemanticohispanique nous avait transformés en pavlovs cyno-austraux: nous avions l’eau à la bouche.
Nous dégustâmes tout ce programme bien au delà de notre appétit pour remercier nos hôtes de leur munificence. Rico, rico, disions-nous à chaque bouchée.
L’hospitalité des argentins n’est jamais prise en défaut.
Nous prîmes congé passé minuit et nous couchâmes épuisés.