Mercredi 22 juin 2022 - Stykkisholmur - Isafjördur
Faute de se lever, le soleil poursuivait sans relâche sa course ininterrompue dans le ciel arctique lorsque les gnous sortirent de leur torpeur vers 5.30 h. C’était de bonne augure car il fallait empaqueter les vêtements que la veille avait détrempés, charger nos dociles mules et lester nos flancs d’un viatique qui nous permettrait de tenir 3 ou 4 heures de jeûne.
Le Foss Hôtel était bourré de groupes de retraités français en voyage organisé et il nous sembla que l’hôtel n’hébergeait que des gaulois en villégiature bien décidés à prendre le ferry du lendemain.
Nos motos, collées contre le mur de l’hôtel avaient sagement passé la nuit sans choir, appuyées sur leurs béquilles latérales.
Nous nous rendîmes au port, réglâmes les formalités et pûmes bientôt pénétrer dans la cale d’un rafiot passablement rouillé.
A peine garés, on nous jeta quelques sangles d’un autre âge en nous laissant entendre qu’il allait de notre responsabilité d’assurer la fixation de nos engins.
Nous nous mîmes à l’œuvre tant bien que mal, après avoir relevé péniblement les anneaux d’arrimage.
Nous montâmes ensuite sur le pont pour jouir des embruns qui nous fouettaient le visage. PapaGnou, Finougnou et Petit Gnou descendirent au salon du pont inférieur qui n’offrait aucun hublot mais des fauteuils confortables.
Les autres montèrent au troisième étage pour éviter d’être incommodés par le roulis.
Le vent redoubla, une fois la côte de Stykkisholmur disparue derrière l’horizon.
Les claques violentes que nous prenions rougissaient nos joues et transissaient nos dermes.
Après deux heures de mer de plus en plus houleuse, nous arrivâmes à l’île de Flatey. Quelques centaines d’hectares, une vingtaine de fermes et une petite église constituaient la communauté locale de cet atoll plane et pittoresque. On débarqua une poignée de passagers et nous reprîmes notre traversée en direction de Brjánslaekur. Le ciel de dégagea peu à peu et nous pûmes admirer la splendeur des fjords qui semblaient sortis de la mer.
PapaGnou, hirsute, intima l’ordre de le rejoindre dans la cale. La moto de Petit Gnou est tombée, hurlait-il.
Nous dégringolâmes les 3 étages vers les garages, constatant que la Yamaha gisait sur le flanc. Il y avait à peine la place de s’intercaler entre moto et coque et nous parvînmes à relever la machine au prix d’efforts surhumains.
Dûment informé de son infortune Petit Gnou resta stoïque: on réparera à Bruxelles, ajouta-t-il. Seul le pare-brise explosé, semblait avoir souffert de la chute.
Après le débarquement, on para au plus pressé pour enlever les morceaux de pare-brise restés attachés à la carrosserie et nous attaquâmes le programme du jour: la route 60 vers la cascade de Dynjandi et Hvammur.
Des paysages mirifiques s’offraient à nos yeux: les fjords tels de longues langues de mer pénétraient loin dans le continent où des immenses falaises dominaient les environs.
La route non revêtue challengea les gnous plus habitués aux routes qu’aux pistes. A Dynjandavogur, Finougnou sublimé par tant de beauté omit un instant fatal de se concentrer sur la route. Il s’arrêta sur l’arête de la piste qui céda sous son poids et sa moto se retrouva au sol. On releva la machine pour constater que les dégâts étaient fort limités. A peine quelques griffes dans les protège-cylindres.
Redescendus dans le bas du fjord, nous poussâmes jusqu’à Thingeyri, cherchant quelque collation pour nous rassasier. Chez Symbahöllin, on nous proposa des gaufres belges, couvertes de chantilly et arrosé d’un chocolat chaud qui ravit nos babines bleuies de froid.
Le soleil brillait lorsque nous reprîmes la route pour rallier Isafjördur, sorte de Geiranger islandais où deux paquebots étaient à l’ancre. Notre point de chute, pensionnat en hiver et hôtel en été faisait face au fjord avec un à pic de centaines de mètres de haut baigné de soleil vespéral.
Nous marchâmes jusqu’au restaurent Husid où nos deux bouteilles de Listrac ne firent aucun problème. Nous dînâmes de délicieux faux-filets au barbecue et de tartes au pommes succulentes.